Pendant plus de trente ans, un orphelinat pour garçons a bel et bien existé au nord du Lac-St-Jean. Le rêve prit fin abruptement, à cause d’un drame qui changea à jamais le visage de la région! Oubliée avec le temps, cette institution a pourtant marqué l’histoire régionale.
Remontons au début des années 1900 et reconstruisons cet orphelinat sur ses ruines, encore visibles aujourd’hui. Si les gens de Vauvert et des environs connaissent bien ce fait, il en est tout autrement du reste de la population jeannoise.
Contexte
En 1903, la France passe par une période, que nous pourrions qualifier d’anticléricale. Se sentant rejeté par la population, plusieurs religieux préfèrent simplement quitter les lieux et aller faire bonnes œuvres ailleurs. Pour beaucoup cet ailleurs sera le Québec.
C’est dans ce contexte que les Frères Saint-François-de-Régis font leur apparition dans la région. La vocation de cette congrégation est l’éducation des jeunes garçons.
Cela tombe à point: contrairement aux filles qui peuvent compter sur des pensionnats, comme le couvent des Ursulines de Roberval, pour les jeunes hommes, l’accès à l’éducation post-élémentaire reste, en ce début de siècle, difficile d’accès.
De plus, la tendance des familles à garder les hommes sur la terre familiale, pour les différents travaux, n’aide en rien la cause.

Les débuts
C’est en 1905 que la communauté religieuse fait l’acquisition de lots, dans ce qui allait devenir Vauvert, en face de Pointe-Taillon.
Leur but? Construire un orphelinat et un pensionnat pour garçons, tout en cultivant la terre pour vivre.
Les huit religieux se mettent alors à la tâche. Défricher, construire, organiser.
Dès 1907 l’orphelinat est debout. L’œuvre débute modestement avec un peu plus de dix enfants à sa première année. Malgré les difficultés, le cœur y est!
Essentiellement, cet orphelinat était à vocation agricole. Les enfants, tout comme les religieux, trimaient dur une bonne partie de l’année. Il est important de noter que cette grande ferme comportait également un noviciat.
Également, point besoin d’être orphelin pour y suivre la formation agricole. Plusieurs colons, soucieux de l’éducation de leurs garçons, les envoyaient au pensionnat pendant la période des classes.
On y enseignait quoi au juste?
Si, dans les institutions pour filles, l’accent était mis sur la maison et la famille, nous pouvons deviner que, pour les enfants de l’orphelinat de Vauvert, tout tournait autour de l’agriculture.
Tout ou presque, car il y avait également des cours de chimie, mathématique, économie et même le chant et le théâtre.
Afin de devenir un bon soutien de famille, les jeunes étaient initiés à des techniques agricoles, comme la fabrication du pain, du fromage et du beurre.
De plus, ils apprenaient évidemment à labourer et à pratiquer les divers travaux nécessaires à la bonne marche d’une ferme.
C’est ainsi, qu’année après année, plusieurs dizaines d’orphelins et de pensionnaires ont bénéficiés d’une éducation de base, en plus de travaux pratiques, très utiles à l’époque.
À l’intérieur des murs
Il ne sera pas surprenant d’apprendre que le tout se faisait dans une ambiance religieuse.
Debout dès 5h30, la prière et les moments de recueillement sont fréquents pendant la journée.
Les témoignages d’anciens orphelins sont unanimes: une difficile lutte pour la survie, beaucoup d’apprentissage et aucun scandale à l’horizon.
Soulignons, au passage, que ce sont les Frères Saint-François-de-Régis qui ont popularisé la culture de la pomme de terre au Lac-St-Jean.
Malgré une vie difficile (mais qui n’était pas dans cette situation à ce moment?), les choses se passent, somme toute, assez bien pour la communauté.
Ils hébergent même un bureau de poste, au début des années 1910. De septembre 1910, jusqu’en août 1928, le Révérend Camille Frasse est le maître postier de ce bureau, relevant de celui de Péribonka.
Nous ne pourrions passer sous silence le fait que la communauté possédait un très beau bateau, du nom de Jeanne-d’Arc.
Pour la petite histoire, ce traversier fut, par la suite, vendu à un particulier et il termina ses jours en 1945, se brisant en deux à la Grande-Décharge, près d’Alma.

Les épreuves débutent
Puis, 1926 arriva. Un incendie accidentel, causé par une lampe de pétrole, détruisit le juvénat-noviciat.
À peine relevé de cette épreuve, la grande inondation de 1928 vint, pour ainsi dire, donner un coup de mort à l’institution.
Déjà, les terres que possédaient les religieux n’étaient pas faciles à cultiver. L’amputation d’une grande partie du terrain, par le nouveau niveau du lac, rendit toute l’opération simplement impossible à rentabiliser.
Duke-Price, le responsable de l’inondation, n’offrit un dédommagement qu’en 1936. Les terres elles, ne reviendraient jamais…
C’est dans ces circonstances tragiques que la communauté religieuse ferma boutique à Vauvert, lieu qui porte ce nom, justement à la mémoire des origines de la communauté en Europe.
En 1938 ils déménagèrent à Bagotville, puis fusionnèrent avec les Frères Maristes en 1959.
Ce qu’il en reste
Outre l’héritage éducationnel pour les orphelins et pensionnaires, il existe encore aujourd’hui des traces, bien visibles, de ce passage au Lac-St-Jean. Sur un terrain privé s’érigent encore les ruines des fondations de l’institution.
Avant de recevoir des questions en ce sens: non, ce n’est pas un lieu touristique. Toutefois, il est possible de les voir à partir d’une petite route de Vauvert.
D’un point de vue historique, rien n’est encore en marche pour préserver ce qui reste des ruines et il n’y a pas de projet en ce sens.
Témoin d’une autre époque, cette institution a fait preuve d’un grand dévouement envers les petits orphelins de notre coin de pays.
